C’est une cause qui fait de plus en plus d’adeptes, chacun à sa mesure, activiste ou simple engagé. C’est surtout une prise de conscience globale, de ce «vivant» à protéger – la terre, le ciel et les bêtes-, et qui, si l’on y réfléchit, nous implique tous un peu. Grazia a rencontré cinq filles déterminées.
Il suffit de presque rien. Une pétition de change.org qui vous cueille un matin, une affiche électorale pour ce premier parti animaliste, une vidéo sur internet plus saisissante que toutes les autres, ou un livre qui questionne le carnivore que vous êtes encore.
Plus simplement, l’insistance de cette amie qui chaque fois qu’elle passe chez vous, vous rappelle de ne jamais oublier que cette petite boule de poil endormie sur le canapé est la meilleure chose qui vous soit arrivée. Parce que sous ces poils, il y a une âme. Dont il faut prendre soin comme de soi-même.
Presque rien, si l’on n’a pas un coeur de pierre, pour qu’il s’emballe soudain à la lecture d’un rapport coup de gueule sur l’élevage industriel, d’une action siglée L214 contre la barbarie d’un abattoir, ou ce nauséeux rappel au réel qui chaque fois vous fait déglutir : il y a sur cette planète, un continent qui mange encore ses chiens.
L’idée prend forme, elle fait son chemin, germe en vous comme une plante à floraison lente et vous voilà devenue demain peut-être vegan, aujourd’hui déjà acquise à ce qu’il est convenu d’appeler «la cause animale», ce combat très ancien et pourtant si actuel tant il fait parler et s’éveiller les consciences.
«Voici ce que je crois : alors que j’étais au plus mal, l’univers m’a envoyé le salut sous la forme d’un chien. Certaines personnes trouvent cette idée risible, infantile, bizarre ou idiote. Ce n’est pas grave. D’autres hochent la tête et comprennent parfaitement ce dont je parle.» écrit Julie Barton dans le prologue de son livre Dog Médecine (ed. Belfond). Elle y raconte sa dépression à 22 ans et la rencontre avec Bunker, un bébé golden retriever «à l’âme ancienne», qui sera le compagnon de sa résurrection. «Une petite part de moi, celle qui communiait depuis l’enfance avec les arbres, les biches et les oiseaux, s’est réveillée lorsque j’ai pris sa tête entre mes mains.»
Car même s’il suffit d’un rien, tous ceux qui sont aujourd’hui impliqués dans ce combat-là, d’une manière ou d’une autre, disent que ce « rien » vient de loin. C’est avec cette conviction profonde qu’ils avancent et font entendre et résonner la voix des bêtes. Pour Thierry Bedossa, ce vétérinaire connu comme le loup blanc, il s’agit «plus que d’un métier, d’un véritable cheminement. J’ai été élevé, entouré d’animaux, par ma grand-mère maternelle. Elle me parlait des oiseaux qui ont froid en hiver, de la faune sauvage…Très tôt j’ai compris que les bêtes était des individus vulnérables. Vivre avec elles m’a rendu plus humble». Quand il s’engage dans son métier de soignant, s’impose une autre évidence : «J’ai réalisé que les vétérinaires étaient aussi les plus grands maltraitants. Sans nous, les élevages industriels et les abattoirs n’existeraient pas». Depuis, sa vie vouée toute entière aux animaux fait oeuvre de réparation. De Neuilly, où il prend soin des quadrupèdes des citadins, à Cuy-Saint-Fiacre où il accueille et accompagne les animaux en fin de vie, dans un refuge (Avarefuge) qui ressemble à une bouleversante arche de Noé terrestre pour animaux éclopés, vieillissants, ou laissés sur le bas-côté, Thierry Bedossa creuse son sillon. «Chacun de nous devrait, dès le plus jeune âge, aller fréquenter l’humanité pauvre. On nous enseigne beaucoup de choses à l’école et dans toutes les églises, mais ce qui nous manque, c’est encore ça : l’apprentissage de la vulnérabilité.»
C’est cette même fragilité, cette même attention portée au «vivant» sous toutes ses formes, qui agitent Samantha, Frédérique ou Virginie. Elles qui, en plus de leur job à plein temps, consacrent leurs heures de liberté à secourir, aider, aimer les animaux, quel que soit leur âge et leur histoire. «Tant qu’il n’étendra pas le cercle de sa compassion à tous les êtres vivants, l’homme ne trouvera pas de paix» disait Albert Schweitzer. Sa parole s’est réincarnée, plus vivace que jamais.
FRÉDÉRIQUE VERLEY, JOURNALISTE ET RESPONSABLE DE LA COM DE L’ASSOCIATION SAUVADE
«Je suis née comme ça… Petite je voulais tous les sauver !»
Sur son Instagram perso, il y a des chiens, des chats… et des top modèles. Une valse hétéroclite et joyeuse comme la vie de Frédérique. Rédactrice en chef dans la presse féminine côté pile, activiste de la cause animale côté face. Mais un activisme optimiste, jamais moralisant. «Sauver les animaux, c’est la grande affaire de ma vie. Petite, je volais au secours de tous les êtres vivants : une mouche, une fourmi, un ver de terre…» Avec Sauvade, une association de 6 bénévoles qui secourt les chats et chiens errants de La Réunion, elle trouve son exutoire et surtout, le moyen d’agir : «Là-bas, il n’y a pas d’obligation de stérilisation et d’identification, alors les gens prennent des chiots et des chatons, qu’ils abandonnent quand ils sont grands. On retrouve, errant dans les rues, des meutes d’animaux qui ont été élevés dans des familles et qui sont complètement désorientés. 10 000 d’entre eux sont euthanasiés chaque année…». Sous la plage, la misère animale. C’est le plus souvent grâce à des SOS Facebook que Sauvade les récupère. «Une fois remis sur pieds, vaccinés, dépucés, identifiés, grâce à la géniale clinique de la Plaine, on contacte les voyageurs qui nous connaissent et ramènent les animaux en France où nous les plaçons en familles d’accueil, le temps de leur trouver une famille définitive. C’est comme ça qu’on finance Sauvade, par le montant des adoptions». Frédérique en a déjà recueilli 5 (4 chats, 1 chien) et agrandi pour eux les literies de son appartement parisien : «Les gens de la mode connaissent mon engagement, beaucoup d’entre eux adoptent. On dirait deux mondes que tout oppose et pourtant, Sauvade donne une autre dimension à mon métier. C’est en étant au coeur des choses qu’on peut les faire évoluer, même et surtout là où cela semble être une cause perdue». Dont acte.
SOPHIE PHOTOGRAPHE, STREET ARTIST ET PHOTOGRAPHE
« J’espère provoquer une émotion et pourquoi pas, une réflexion»
A l’heure où l’on s’endort, Sophie tapisse les murs de créatures sacrées. «Comme si les animaux revenaient hanter nos villes pour constater ce que nous avons fait de ces cités urbaines d’où nous les avons chassés». Quelques mots sur son blog et tout est dit. A Paris, Marseille ou Barcelone, au détour d’une ruelle surgit un grand cerf au regard profond, deux éléphanteaux qui prennent le frais, une auguste girafe… L’artiste disperse sa poésie grand format là où on ne s’y attend pas, comme un acte militant non violent. «J’observe ensuite les réactions, les émotions, et j’espère provoquer un sourire, et pourquoi pas une réflexion». On est surtout saisi par l’instant de grâce, l’immobilité dans la tourmente, le voisinage insolite et la douceur de ses images. «Je reste des jours entiers dans les parcs animaliers et j’attends. J’attends qu’un lien se crée, qu’il se passe quelque chose. Avec les bêtes c’est toujours plus simple. Pas de mimique ou de pose, ils donnent tout ». Sophie se fait rare mais ce n’est pas du snobisme : «Je ne veux pas lasser ou me répéter». On la verra en septembre, au festival Label Valette non loin de Montargis, à l’occasion d’une des plus belles manifestations de street art en Europe. Cette fois, elle y dévoilera ses animaux «mutants». Une autruche à tête d’éléphant, Un oiseau panthère. «On a perdu tant d’espèces en si peu de temps… Les fabriquera-t-on bientôt avec des gênes?». L’occasion, cette fois encore, de donner à voir, à s’émouvoir…et à réfléchir à l’avenir du monde.
Grazia 2017
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